Suite à une interview que le président américain Barack Obama a accordé à Jeffrey Goldberg du magazine Atlantic, dans laquelle M. Obama a critiqué Nicolas Sarkozy et David Cameron pour avoir supposement lâché la Libye à son sort après la chute de Qaddafi, M. Sarkozy a répondu avec sa propre critique.
Lors de l’interview avec M. Goldberg, M. Obama a accusé M. Sarkozy d’avoir voulu « claironner ses succès dans la campagne aérienne alors que nos avions [des avions americains – ZM] détruit toutes les défenses anti-aériennes. »
Dans un entretien diffusé le 19 mars par la chaîne iTÉLÉ, M. Sarkozy a répondu ainsi :
« Je ne veux pas polémiquer avec M. Obama, dont chacun sait que l’action n’est pas son fort. (…) Les avions français sont rentrés les premiers dans le ciel libyen. (…) Au bout de huit jours, M. Obama a décidé de retirer l’armée américaine et a conceptualisé cette fameuse théorie du ‘leading from behind’, le leadership de l’arrière. (…) Vous savez, le leadership par l’arrière, ça n’existe pas. On est leader ou on n’est pas leader, et quand on est leader, on conduit une opération. »
M. Sarkozy a aussi taclé le président Obama sur le dossier syrien en le critiquant pour sa decision de ne pas frapper Bachar el-Assad suite a l’utilisation des armes chimiques contre des civils par ce dernier (ce qui fut une grave crime de guerre).
« M. Obama avait dit ‘À la minute où Bachar al-Assad emploie des armes chimiques nous interviendrons’. Bachar el-Assad a employé des armes chimiques, ils ne sont pas intervenus. Quand on fixe des limites, qu’elles sont franchies et qu’on ne fait rien après, ce n’est pas bon signe. »
Alors, qui a raison et qui a tort ?
Sur le dossier syrien, c’est M. Sarkozy. Comme il a constaté, l’action d’est pas un fort de Barack Obama. Comme d’habitude, le président américain a dit une chose et fait quelquechose complètement d’autre. Et en permettant au régime d’Assad de rester au pouvoir, il lui a permis d’exterminer davantage de Syriens… et de créer ainsi beaucoup davantage de recrues pour l’Etat Islamique.
M. Sarkozy a également raison que ce qu’essaie de faire en politique étrangère l’administration Obama – le leading from behind – est tout simplement impossible. Soit l’on mène des autres – dans quel cas on est le leader – soit on se cache derrière des autres, dans quel cas on n’est pas le dirigeant du groupe.
Obama est tout simplement un président lâche qui n’ose pas de faire suivir ses paroles et ses promesses par ses actes.
Mais n’oublions pas non plus que l’action n’est pas le fort de M. Sarkozy non plus. Celui-ci a violé beaucoup de ses promesses électorales de 2007 et au debut de 2008 a renoncé à ses projets de réformes importantes de la France, notamment de l’économie. En conséquence, l’économie française avait été profondement frappée par la crise mondiale de 2008, des millions de Français sont tombés au chomage ou en pauvreté, et M. Sarkozy lui-même a été licencié par les électeurs.
Enfin et surtout, M. Obama a raison en ce qui concerne la conduite de l’operation syrienne elle-même. C’étaient en effet des avions américains – pas français ou britanniques – qui ont détruit les défenses anti-aériennes de Qaddafi et qui ont détruit la grande plupart des cibles en Libye. La contribution française était malheureusement très minoritaire, grace en bonne partie aux coupes budgetaires décidées par M. Sarkozy et ses prédecesseurs. L’armée française ne possédait pas, et toujours ne possède pas, assez d’avions de combat, de ravitaillement et de renseignement, ni de missiles et bombes de précision. Souvenons-nous des paroles critiques du ministre de la Défense américain de l’époque, M. Robert Gates, le 10 juin 2011 :
« To run the air campaign, the NATO air operations center in Italy required a major augmentation of targeting specialists, mainly from the U.S., to do the job – a “just in time” infusion of personnel that may not always be available in future contingencies. We have the spectacle of an air operations center designed to handle more than 300 sorties a day struggling to launch about 150. Furthermore, the mightiest military alliance in history is only 11 weeks into an operation against a poorly armed regime in a sparsely populated country – yet many allies are beginning to run short of munitions, requiring the U.S., once more, to make up the difference. »
Traduction :
« Afin de mener la campagne aérienne, le centre d’opérations aériennes otanien en Italie avait besoin d’une infusion important des spécialistes de ciblage, principalement americains, pour faire le boulot – une infusion des effectifs “au dernier moment” qui pourrait ne pas être possible dans l’avenir. Nous avons le spectacle d’un centre d’opérations aériennes intendu de conduire plus de 300 vols par jour qui peine à en conduire env. 150. Qui plus est, l’alliance militaire la plus puissante en histoire conduit, depuis seulement 11 semaines, une opération contre un régime mal armé dans un pays peu peuplé – or, beaucoup d’allies ont presque épuisé leurs stocks d’ammunitions, ce qui a exigé encore une fois aux USA d’y compenser. »
Or, au lieu d’ecouter les sages conseils de M. Gates, M. Sarkozy les a immédiatement réjetés.
Pourtant, il vaut mieux que M. Sarkozy et toute la classe politique française prennent les conseils de M. Gates à coeur. Moi, je l’ai fait et j’ai développé une liste des propositions qui feront l’armée française capable de conduire, à elle seule, des opérations militaires d’une envergure sérieuse n’importe où au monde. Cette liste des propositions est disponible ici.